Jolie mèche blonde revêche. Sale gosse élancée. Chapardeuse née. T’aboies pas fort mais quand tu mords ça fait mal. Foutue curiosité mal placée, t’as toujours la bonne idée de laisser tes oreilles trainer, ici, là, où on ne t’attend pas, où on ne te voit pas. Désireuse de liberté, oiseau loin d’être en cage, même tes propres règles parfois tu ne les suis pas, les limites n’existent pas tout simplement parce que tu t’en impose pas. Et que tu ne laisses personne oser t’en suggérer. Mauvaise est l’idée que de tenter de faire preuve d’autorité avec toi. Rebelle dans l’âme, toujours en contradiction, même si l’idée de faire le contraire ne te tentait pas à la base, si on te dit de ne pas le faire, pour sûr que tu vas y courir. Et puis il y a de dangers plus tu vas y aller à grandes foulées.

Dans la vie, t’es le genre frivole, intenable, bien souvent trop impulsive, t’as pas ta langue dans ta poche, surtout quand il s’agit de rabattre le caquet de quelqu’un qui aurait pu te manquer de respect. Exit les politesses, surtout quand on sait que tu choisiras plus facilement de t’asseoir sur la table que sur une chaise. T’hésite jamais vraiment à user tes petits sourires coin pour obtenir des petites choses, comme des barres de céréales, ou encore un café à l’œil dans ton bistrot favoris.

Foncièrement t’es pas une mauvaise personne, même si tu suis bien souvent tes propres intérêts, quitte à retourner ta veste si la paye est plus verte ailleurs. Par contre pas question de faire dans de l’assassinat et autre sanglanteries du type. T’es une voleuse, une indic. Pas une tueuse. Même si un jour tu finiras peut-être par glisser qui sait.

Ame solitaire, t’es loin de vivre avec des gens, parce que t’es intenable. Malgré que tu sois voleuse, t’as peu d’intérêt sur les objets et le matériel, vivre avec pour seul toit le ciel étoilé, c’est pas quelque chose que tu cherches à éviter. T’es juste toujours en recherche de sensations, d’adrénaline, que seul le vol et le danger savent te procurer. Étrangement, la majorité de ta « paye », tu la refiles à des orphelinats, ou des Sdf avec qui il t’arrive de trainer. Oiseau de nuit que peu de gens savent cerner, t’es un ovni Dei’, une incomprise ou peut-être simplement une fêlée. Que le danger n’a jamais effrayé. T’as pas de réel but dans ta vie, tu laisses tes pas te guider, ici, là. Peu importe.

C’était comme l’égal d’un rendez-vous, tant que tu étais encore sur le territoire central, tant que tu pouvais encore vagabonder sans avoir trop les forces de l’ordre aux trousses, parce que même s’il t’arrivait de leur servir d’indic, au même titre que pour les détectives privés du coin ou encore quelques crapules, ils finiraient bien par faire le lien entre toi et la voleuse au miroir quand tu ferais un casse un peu plus conséquent. Elle te titillait quand même vachement ces derniers temps la nouvelle banque de Terre Centrale. Enfin, il n’empêchait qu’en attendant, pour rien au monde tu ne manquerais ton rendez-vous du jeudi avec le groupe. Des lycans de tout genre parfois accompagné d’autres races pour des périodes courtes.

T’étais un peu leur attraction, comme ils étaient la tienne, t’avais toujours de nouvelles histoires ou épopées à leur raconter autant qu’ils avaient de vieilles histoires sous leurs manteaux toutes plus rocambolesques et précieuses les unes que les autres. Les vrais trésors en ce bas-monde, c’était ça. Toutes ces maigres choses-là, ces souvenirs que le temps et les mémoires fatiguées finissaient par oublier. Il t’arrivait souvent Dei’, ces soir-là, enregistrer sur un petit dictaphone de fortune les histoires des anciens. Juste pour qu’elles ne se perdent pas, pour qu’elles ne disparaissent pas définitivement.

T’arrive, baskets au pied, les mains blotties dans les poches de son sweat-shirt trop large, dans lequel tu avais tendance à te noyer, affublé d’un jean serré noir sans trop d’artifice, tes piercings pour seuls objets clinquants. On te salue joyeusement comme à chaque fois, alors qu’avec toujours ton large sourire, tu viens déposer un pack de bières et un paquet de marshmallow que vous pourrez faire griller. Ils vivaient tous là, dans cette vieille maison en ruine, dont le toit n’existait plus, une maison qui menaçait parfois de s’effondrer sans jamais vraiment le faire. Parfois t’y dormais aussi. Bien sûr vous auriez tous pu, avec vos boulots respectifs vous trouver un vrai chez vous, mais non. Vous y teniez à cet endroit, à cette vie sous le ciel d’étoilé des nuits qui se suivent sans jamais vraiment se rassembler.

Tu t’assois autour du feu, sur une des vieilles chaises branlantes, un rire s’échappant encore de tes lèvres sans raison. T’es posée, fascinée comme toujours par le feu qui ondule devant toi, alors que Liohn l’alpha vient se poser à côté de toi, se laissant presque tomber dessus. Liohn est un lycan tigre. Liohn et toi, vous avez aucun lien de parenté mais il est l’égale de ton père à tes yeux, et la vie tumultueuse qui est la tienne. Vous êtes pour l’instant que vous deux autour du feu, alors que sa main abimée par la vie vient ébouriffer tes cheveux blonds.

« Comment ça va Gamine ? »

Sa voix bourrue t’arrache un sourire, alors que tu te love dans la chaise et dans ton sweat.


Un sourire malicieux ornant sur tes lèvres à la fin de cette simple phrase alors que Liohn entonne un rire caverneux.

« Comme toujours hein. Des fois je n’ose imaginer comme tu étais gamine, tes parents ont dû en voir de toutes les couleurs. »

Le passé. Un sujet. Des souvenirs qui te font pousser un rire nerveux, discret. T’en parlais jamais, souvent parce qu’il n’y avait pas tant de choses que ça à dire sur ce passé qu’une part de toi fuyait. Au final ton histoire, elle devait pas être si unique, il devait y’en avoir qui étaient même avec des casseroles bien plus lourdes à trimballer. T’avais aucun souvenir de tes parents. Ni de l’un, ni de l’autre, ils t’avaient laissé à l’alpha du clan où ils étaient de passage. L’histoire s’arrêtait là. Ils ne voulaient pas d’un poids mort. C’est un peu tout le clan qui t’avait élevé, tu les aimais mais t’avais jamais trouvé ta place, t’avais toujours vagabondé de maison en maison. Sans avoir la tienne. Alors t’avais enchainé les conneries, rien que pour attirer l’attention, tu savais pas vraiment ce que tu voulais à cet age-là, ni même maintenant, peut-être juste qu’on veuille de toi.


Un coup d’œil vers Liohn, que tu vois pousser un de ses soupirs. Sa mâchoire se crispe un instant pour tes parents, il préfèrerait ne pas avoir posé la question. Tu le sais. Mais toi, tu t’en fous finalement. De cet abandon.

« Comme si des pompes suffisaient à te faire rentrer la moindre chose dans ta caboche. »

Un rire léger s’échappe de tes lèvres. Liohn n’avait pas tort, jamais rien n’avait fonctionné avec toi, les pompes t’avaient au moins gardée en forme, ça t’avais appris qu’à force d’entrainement les choses sont plus faciles. Et de fil en aiguille ça avait été un plus dans ta carrière de voleuse.


Sa main chaude revient emmêler tes cheveux sans grande douceur. Un sourire néanmoins sur ses lèvres.

« Sale gosse. »

T’aurais aimé que Liohn soit ton père, peut-être que lui il aurait eu la manière de te recadrer de te faire rentrer dans le rang, de combler tous les manques que les années avaient creusé. Le monde était mal fait. C’était tout. T’avais quitté le clan à peine majeure, partie à l’aventure seule. T’avais vite conclue que tout ce dont avait besoin c’était toi-même, et c’est comme ça que t’as commencé à voler, usant de ton don, pour aller de miroir en miroir dans les lieux que tu connaissais.

T’as fini par te faire un nom.


Cela remonte à soixante ans en arrière, tes débuts, t’as vite trouvé la bonne idée d’officier masquée, une tenue que t’avais cousu toi-même, tu te souvenais du temps interminable que ça t’avais pris, mais ça en valait la peine. A côté de ça, t’as fait ton trou dans un peu toutes les affaires des villes où tu eux décidé de poser tes valises, laissant aussi et sous ton vrai nom, l’info que si quelqu’un savait bien ce qu’il se passait autant dans les bas-fonds que dans les hautes sphères, c’était bien toi.

Une voix t’arrache à tes songes et ton silence, ton regard dardant directement dans la direction du son, avec toujours cette même étincelle que tu ne peux cacher.

« Si c’est pas mon emmerdeuse préférée que je vois là »

Adonis. Le fils cadet de Liohn, le seul qui lui reste. Tu ne peux t’empêcher de courir vers lui en le voyant pointer le bout de son museau. Il était rare qu’Adonis passe, le jeune homme ayant son propre appartement en ville, en plus de son boulot stable dans le commissariat du coin. Tu savais qu’il avait tenté maintes et maintes fois de pousser son père et les autres à prendre de vrais logements mais qu’il s’heurtait toujours à un mur. Vous vous entendiez bien lui et toi, bien que votre relation soit semblable à chien et chats, toujours un pour taquiner l’autre et depuis des années. Il t’arrivait d’être son indic par moment, mais t’étais souvent obligé de lui mentir.


Pas parce que t’en avais vraiment l’envie, plutôt parce que tu pensais à ta propre survie. Adonis avait été mis sur la trace de la voleuse miroir. Et tu refusais de te laisser attraper. Tant qu’il ne saurait rien, tout irait pour le mieux et c’est bien tout ce qui importait à ce titre.